Ce que je vois depuis où je suis
Ils rentrèrent à Paris.
Jules eut des échos de leurs frictions. Il leur conta une histoire hindoue :
« Deux amants avaient en eux les tourments de l'amour et de la jalousie. Ils connurent ensemble le plus grand bonheur, et ils l'abimèrent. Plusieurs fois ils se séparèrent et se retrouvèrent, plus épris qu'avant. Mais ils se firent souffrir. Ils se quittèrent pour de bon. Quelques années après, lui, le cœur brisé, voulut la revoir avant de mourir. Il la chercha, voyagea, pensant que, où qu'elle fût, sa beauté la rendait célèbre. Il la retrouva, étoile d'une troupe de danseuses qui menaient une vie légère. Il s'avança vers elle, il la regarda, et il ne trouvait rien à lui dire, des larmes coulaient de ses yeux. Il suivit la troupe et il contemplait son amie danser et sourire pour les autres. Il n'y avait en lui aucun reproche et il ne souhaitait d'elle que la permission de la regarder. - « Enfin, tu m'aimes « vraiment! » lui dit-elle.
Ils commentèrent ensemble cette histoire. Kathe était d'accord. Jim pensa à Manon et à Des Grieux.
Jules dit à Kathe :
« Ta maxime est : Dans un couple, il faut que l'un des deux au moins soit fidèle : l'autre. »
Il dit aussi :
« Si l'on aime quelqu'un, on l'aime tel quel.
On ne veut pas l'influencer car, si on réussissait, il ne serait plus lui. Il vaut mieux renoncer à l'être que l'on aime que le modifier, en l'apitoyant, ou en le dominant. »
Jim eût voulu mourir de Kathe. Survivre était une offense. Les mâles des araignées le savent, et leurs femelles aussi.
Et quand il y a eu une offense, les autres offenses s’enchaînent.
Extrait de Jules et Jim de Henri Pierre Rocher
Je n’ai de nuit que ton absence, Aragon, Le voyage de Hollande et autre poèmes.
Je n’ai de nuit que ton absence
Blessure qu’où tu m’es partie
Rien que toi n’a pour moi sens
Et tout sans toi n’est que menti
Sans toi tout m’est anéanti.
Je n’ai vivre que de t’entendre
De ton poignet pris dans ma main
Je n’ai mourir et le cœur fendre
Que d’imaginer l’inhumain
Schisme de toi sur mon chemin
Ô mon amour, ô ma tristesse
Un jour d’un ancien mois de mai
Tu m’avais fui. Quand donc étai-ce
Moi si mal et tant qui t’aimais
Me l’as-tu pardonné jamais
À force si fort que je t’aime
De ce jeune homme que je fus
Suis-je enfin cet autre moi-même
Et mes larmes sur tes mains nues
À tes pieds l’amour devenu.